Grandeur et décadence
Le Gran Hotel Viena un mystère face à la mer, dixit le panneau d'accueil, dont les ruines sont les derniers témoins de l'époque de la splendeur de Miramar, dont la légende entretient le luxe, la beauté, le mystère et les secrets les plus sombres, fut mis en chantier en 1940 à l'initiative d'une famille allemande de Buenos Aires qu'on a dit liée au national socialisme, les "Palkhe".
Le Gran Hotel Viena disparut en 1980, ses origines furent en relation avec la Seconde Guerre Mondiale et beaucoup disent qu'il fut construit avec des capitaux nazis.
La mise en œuvre, confiée à une entreprise allemande, se fit par étapes de 1940 à 1945. Au final l'hôtel, un véritable cinq étoiles, comprenait 84 chambres luxueuses, pavillon thermal avec médecin, infirmière et masseur, bibliothèque, succursale bancaire, salle à manger pour 200 personnes, vaisselle en faïence anglaise, verres en cristal, couverts en argent, murs doublés de marbre de Carrare, lustres de bronze et de cristal. C'était l'unique hôtel qui possédait, à l'époque, l'air conditionné et le chauffage dans toute les installations. De plus, il disposait de deux énormes cuisines, d'une fabrique de glace, d'un élevage de porcs et de poulets, d'une cave de 10 000 bouteilles, d'une boulangerie et d'un stock de conserves capable d'alimenter 100 personnes pendant un mois. Et comme si ça n'était pas assez, il disposait dans les garages de pompes à essence et d'un atelier de mécanique, il avait aussi sa propre usine génératrice d'électricité composée de deux moteurs de 150 kw et 100 kw et deux de rechange de 40 kw et 20 kw... autonomie totale.
Pour approvisionner en eau les 6800 m² de constructions, on fit construire une tour de 25 m de haut abritant un réservoir supérieur de 80 000 litres, naturellement alimenté par cinq puits. Un escalier de 122 marches permettait d'accéder au mirador.
Le Viena disposait d'un système de téléphonie ultra-moderne et d'un système de radio de haute technologie pour l'époque, avec son propre central et une antenne au sommet de la tour.
Vue latérale
En face du bâtiment on pouvait admirer une énorme piscine divisée en deux parties, l'une avec de l'eau douce, l'autre avec de l'eau salée.
Tout le personnel, venant de Buenos Aires, était d'origine allemande ou parlait parfaitement l'allemand. Tout ce luxe dans les années 40-45 au centre de l'Argentine, dans une ville de 1600 habitants.
La construction de l'imposant édifice se termina en décembre 1945. Peu de temps après, en mars 1946, la famille Palkhe décida de fermer l'hôtel. Bien qu'on ne connaisse pas les raisons de cette décision, cela coïncide mystérieusement avec la fin de la Seconde Guerre Mondiale et l'expropriation des biens des allemands en Argentine.
De l'hôtel il n'est pas resté un seul registre. Un matin de mars 1946, les Palkhe chargèrent tout les documents dans les trois minibus du Viena, les tableaux, livres, plans, papiers, vaisselle portant un aigle bicéphale et dit-on celle avec le symbole nazi, et partirent. Les minibus revinrent le lendemain et un des chauffeurs dit avoir emmené la famille à La Cumbrecita, au sud de Cordoba. Les Palkhe ne revinrent jamais.
La légende : Kruegger et les secrets du Viena
L'histoire du Viena illustre les liens particuliers qui unirent l'Argentine et l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre Mondiale. Pour la rumeur qui se perpétue à Miramar il ne fait nul doute que la famille Palkhe était attachée au national-socialisme. Quelle fut son rôle exact ?
Kruegger était formellement le chef du service sécurité employant un personnel en uniforme vert et bottes à bout ferré. Pourquoi un chef et un personnel de sécurité dans un établissement de repos situé près d'une petite agglomération d'à peine 1600 habitants dans les années 40. Kruegger est mort en emportant ses secrets dans la tombe du cimetière de Balnearia. Ella a maintenant disparu et personne n'est jamais venu se recueillir sur les restes du grand, silencieux et rébarbatif ingénieur allemand. Il n'y eu aucune autopsie médicale mais le bruit court qu'il serait mort suite à l'ingestion d'un puissant poison qu'on lui aurait administré ou qu'il aurait lui-même pris, fatigué de porter tant de secrets.
La vie et la mort de Kruegger font partie des mystères de l'Hôtel Viena qui a alimenté de nombreuses histoires contées à voix basse à Miramar. On ne connaissait pas de famille à Kruegger qui avait accès aux endroits interdits et qui est resté seul dans l'hôtel quand les Palkhe le fermèrent, trois mois après l'inauguration et un investissement de 25 millions de dollars de l'époque, à presque un an de la chute du Troisième Reich aux mains des Alliés.
Kruegger est resté seul dans un hôtel fermé, en fait pas si fermé. Les visiteurs qui passèrent par le Viena, entre mars 1946 et mars 1948, furent nombreux et le secret bien gardé, ce qui a contribué à alimenter la légende. Mais déjà, avant que l'hôtel ne ferme, il s'était passé bien des choses étranges. Dans les premiers jours de mars 1945, quand l'hôtel fonctionnait sans être totalement terminé, Kruegger a demandé aux 70 employés de ne pas venir prendre leur service un certain jour. On murmurait qu'il allait y avoir un dîner important. La cuisinière, qui était restée plus tard que prévu, raconte avoir vu arriver trois Cadillacs noires et avoir reconnu dans la seconde le secrétaire d'état au Travail et vice-président de la Nation, Juan Manuel Peron, préparant son projet politique qui allait le mener à la Présidence. Le dîner fut servi pour une quinzaine de personnes. Qui étaient-elles ? Pourquoi tant de secrets jusqu'à donner congé à l'ensemble du personnel ?
Du peu de témoignages des ex-employés de l'hôtel, nous avons celui de la dame de compagnie de Melita Palkhe, qui se souvient que dans les caves on trouvait "la bodega" et ses bouteilles mais aussi divers compartiments toujours fermés et auxquels seuls Kruegger et Palkhe avaient accès. Elle dit aussi avoir vu, de nombreuses fois, Kruegger descendre avec un plateau repas. Y avait-il quelqu'un qui devait absolument rester caché ? Plusieurs employés ont relaté des récits qui se transmettent de génération en génération sur les occupants occultes des caves du Viena.
Fin décembre 1945, un vieil homme vêtu d'une veste et d'un béret verts enfoncé jusqu'aux sourcils a été aperçu se promenant toujours très tôt le matin le long de la lagune.. De là à prétendre comme certains qu'il s'agissait d'Adolf Hitler...
Les héritiers des Palkhe ne veulent pas remuer les secrets. Beaucoup de questions sans réponses. Un investissement de plusieurs millions de dollars pour un endroit qui n'a fonctionné officiellement que quelques mois.
Le "Gran Hotel Viena" un refuge pour criminels de guerre ? Une opération de blanchiment d'argent nazi ? Un lieu de réhabilitation pour dignitaires allemands en disgrâce ?
Que de mystères ?
Dans les années 50, l'hôtel a été repris par des particuliers qui l'ont exploité jusqu'à cette tragique montée des eaux.
Maintenant la baisse du niveau de Mar Chiquita laissant apparaître les décombres, on pourra peut-être avoir accès à des secrets jusqu'alors inaccessibles. Le fantôme du Viena avec sa tour à moins de 2 kms de Miramar entretiennent toujours la rumeur.